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- Mis à jour le dimanche 25 décembre 2022 09:00
- Publié le vendredi 6 novembre 2020 09:55
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Eduardo
BERTI |
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Tous les mardis j’entre dans une librairie différente et je demande un livre au hasard, en inventant sur l’instant un titre quelconque, dont il me semble qu’un bon livre le mériterait. « Avez-vous Artifices ? Avez-vous Le dernier rêve ? », dis-je de but en blanc au vendeur qui a toujours l’air un peu endormi. Si on exige que je donne d’autres indications — le nom de l’auteur ou de l’éditeur —, je réponds systématiquement que je ne le connais pas. Certaines fois, très rares, le livre existe et je l’achète. D’autres fois, tout aussi rares, je le lis et il est exactement comme je l’avais imaginé.
Extrait de "La Vie impossible", Actes Sud, 2003 |
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Quand j’appris que pendant ses trente dernières années mon père avait mené une double vie, je succombai à la curiosité et m’enquis du nom de son autre femme et de l’adresse de son autre foyer. Je frappai avec un prétexte quelconque — une inspection de la compagnie d’assurances ou quelque chose comme cela —, et une femme grande et chevaline m’invita à entrer. Je ne pus en croire mes yeux : l’intérieur de ce foyer était une réplique parfaite de celui que nous avions partagé, mon père, ma mère et moi ; les mêmes meubles, les mêmes fauteuils tapissés de la même manière et distribués exactement de la même façon, et jusqu’aux tableaux, aux assiettes de porcelaine et aux sculptures de plâtre qui étaient identiques. De retour à la maison, je me consacrai ce soir-là, avec un malveillant plaisir, à déplacer les meubles et à mettre la pagaille sur les étagères. Ma mère suivait mes mouvements avec perplexité, mais je ne lui dis rien de ma visite à l’autre maison et nous dînâmes en silence. Brusquement je me souvins du jour où, étant enfant, j’avais cassé le vase chinois qui était à côté du canapé. La contrariété de mon père, quand il avait appris l’accident, m’avait paru disproportionnée. Maintenant je pouvais la comprendre. Je pouvais même l’imaginer, le lendemain, dans son autre maison, en train de détruire consciencieusement le vase correspondant, rien que pour conserver la symétrie avec son autre foyer.Extrait de "La Vie impossible", Actes Sud, 2003
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