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- Mis à jour le dimanche 25 décembre 2022 10:31
- Publié le lundi 25 novembre 2013 15:49
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Luisa
VALENZUELA |
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On ne saura jamais si c'est à cause de son cœur d'or, de sa santé de fer, de son moral d'acier ou de ses cheveux argentés. Toujours est-il qu'il a été exproprié et que le gouvernement l'exploite. Comme vous et moi, d'ailleurs …
Traduction de l'espagnol pour "Littératures brèves" Brigitte Torres
On arrache le couteau. Reste l'étonnement de la chair qui ne sait encore rien de la blessure. C'est le seul moment d'innocence : le couteau a été planté, le couteau a été retiré et la chair reste bouche- bée pendant une seconde avant de commencer à saigner et à s'exprimer.
Traduction de l'espagnol pour Récit-page, Brigitte Torres
Depuis quelques années, de temps en temps, apparaît sur ma boite mail le message d'un mystérieux admirateur qui me propose de nous rencontrer tel jour à telle heure dans tel bar pour prendre un café. Je m'en réjouis et accepte immédiatement. Mais il annule toujours au dernier moment. Malgré la répétition de ce petit jeu, l'invitation me titille, et je me demande, pleine d'illusions : est-ce qu'il est fort, brûlant, noir, doux, frappé, avec un bon lait bien mousseux ? Je parle du café, naturellement.
Traduction de l'espagnol pour Récit-page, Brigitte Torres
Mary Smith-Jones a gagné le respect de la science quand elle a accepté de partager ses seins généreux entre son bébé nouveau-né et un petit gorille orphelin du même âge. Il s'agissait d'une expérience destinée à apporter de précieux renseignements sur le comportement animal.
Ce respect elle l'a perdu quelques mois plus tard (en ce qui concerne la science, en tous cas). Se sentant coupable d'avoir une indéniable préférence pour le singe qui devenait beaucoup plus affectueux et éveillé que son propre enfant, elle s'est adonnée à la boisson. Pauvre Mary Smith-Jones ! Elle a appris de la manière la plus impitoyable qu'il ne faut pas confondre l'éthologie zoologique et la zoophilie éthylique …
Traduction de l'espagnol pour Récit-page, Brigitte Torres
Nos petits-enfants sont vraiment éveillés, de nos jours. Avant, ils demandaient gentiment, comme un jeu,
– Mamie, quelle heure il est ?
Maintenant, ils nous mettent dans de beaux draps… Au moins le mien : il a sacrément compliqué le problème en me demandant :
– Maminette, c'est quoi le temps ?
– Je te réponds demain, promis-juré.
Et jusqu'à présent, jour après jour, j'ai fermement tenu ma promesse.
Traduction de l'espagnol pour Récit-page, Brigitte Torres
Mon ancien amoureux me mettait dans du coton, comme de la barbe à papa. Il me répétait toujours que j'étais la plus douce et la plus suave ; j'étais sa crotte au chocolat, son bonbon au caramel. Malheureusement, un diabète avancé l'a obligé à s'éloigner de moi.
Cette séparation m'a tellement aigri le caractère que mon nouveau prétendant souffre à son tour d'ulcères à l'estomac. Maintenant, je ne suis plus appétissante pour personne. Bien malgré moi, il va falloir que je m'éloigne de cette secte de cannibales. Je m'y suis sentie très aimée mais un peu déchiquetée, quand même.
Traduction de l'espagnol pour Récit-page, Brigitte Torres
En premier, elle a choisi la plus belle et la plus dorée des feuilles de la forêt ; mais elle était trop sèche ; elle s'est effritée entre ses doigts. Avec la rouge, éclatante elle aussi, ça a été le contraire : elle était trop molle, elle s'est déformée. Une feuille qui avait de magnifiques nervures symétriques lui a semblé bien trop transparente. Elle a trouvé les autres soit trop grandes, ou trop petites, ou très brillantes mais trop épaisses, ou rêches, ou piquantes ...
Mais Eve n'est pas à plaindre. Pionnière en tout, elle a été la première femme à prononcer la phrase qui allait, pour les siècles des siècles, devenir un grand classique: « Je n'ai rien à me mettre ! »
Traduction de l'espagnol pour Récit-page, Brigitte Torres
Nous étions en train de dîner tranquillement chez les Lopez Farnesi, des gens très agréables, des hôtes vraiment charmants, quand l'inconnu a commencé à raconter son histoire :
– C'était un après-midi venteux et il n'y avait pas âme qui vive sur les rives du lac. J'avançais, attentif au vol des canards, et soudain, je l'ai vu, un homme, là, en haut, au bord de la falaise. Un endroit dangereux, une paroi à pic de près de quarante mètres de haut. Surpris, je l'ai regardé et il me regardait lui aussi. J'ai pensé que c'était un garde-côte ou quelque chose comme ça. Tout-à-coup, la fine saillie de rocher sur laquelle il était arrêté a cédé et il aurait été précipité dans le vide si des branchages qui dépassaient ne lui avaient pas permis de s'accrocher, interrompant ainsi sa chute. Il est resté à se balancer dans le vide sans pouvoir prendre appui quelque part.
– Quelle horreur ! s'exclamèrent les dames.
– Alors moi, sans la moindre hésitation, je l'ai descendu – nous a rassuré l'inconnu.
– Heureusement – avons-nous soupiré, soulagés – . Vous êtes un héros, racontez-nous comment vous l'avez descendu.
– C'est très simple. D'un coup de fusil, un seul.
Traduction de l'espagnol pour Récit-page, Brigitte Torres