Luc Marsal

Luc

MARSAL

 

 

 pour en savoir plus sur Luc Marsal, https://www.instagram.com/midimoinslequart/

 

 

 

La bataille

 

Ici, il y a des corps, des corps abandonnés, à moitié dénudés, à moitié ensablés, étalés sur le flanc. Écrasés de lumière. La bataille a dû être terrible.

Un petit, tête nue, armé d’un sabre un peu plus grand que lui, foudroie les assaillants. Il ne s’avoue pas vaincu.

Mais il sait qu’il va devoir céder, car il entend déjà les cris d’un homme au loin.

Celui qui crie « beignets, beignets » à l’heure du goûter, à l’heure de l’été, sur la plage des vacances.

La bataille est terminée. Elle recommencera demain.

 

 

Au cimetière

 

Parfois pour me promener je vais voir les morts. Pas les miens, ceux des autres.

Ils sont rangés là en famille. Comme s’ils avaient quelque chose à se dire. Ou bien à cacher, pour y enterrer leurs secrets.

Des fois je me dis qu’ils se parlent. Qu’ils se racontent des histoires. Que peut-être ils se font peur dans le noir. 

Là où je vais, à Montparnasse, Gainsbourg est à trente pas de Chirac. Il aurait probablement préféré Baudelaire qui est un peu plus loin. Mais c’est ainsi. On ne choisit pas ses voisins d’éternité.

 

 

Le mot de la fin

 

Je le redoute plus que tout ce moment. Ce moment suspendu où. Où une jolie jeune femme que j’aurais remarquée dans le bus. Assise, le regard perdu vers le dehors. Tournera la tête vers moi.

Et, esquissant un léger mouvement vers le haut, me dira d’une voix claire. Pour que tout le monde l’entende. Comme si j’étais un peu dur d’oreille : « Monsieur vous voulez vous asseoir ? »

 

 

Tant qu'il y aura une braise

 

Tant qu’il y aura une braise au fin fond de mon crâne, je ne veux laisser aucune parcelle, je dis bien aucune, à qui pourrait un jour m’effacer par ses mots.

Tant qu’il y aura une braise au fin fond de mon crâne, je veux que tout humain m’appelle par mon nom, et non par ce « on » infâme qui me tuerait déjà. Ce « On va bien ce matin ? On va faire sa petite toilette ».

Tant qu’il y aura une braise au fin fond de mon crâne, si vous en voyez un me traiter de la sorte, dites-lui avec élégance et fermeté : « On va arrêter de lui parler comme ça ; on n’est pas un con qui a perdu la tête, on est un poète. »

 

 

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