REMINGTON 

 

 

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Requin chagrin

 

Ce bleu du ciel qui passe le soupirail des nuages au-dessus des eaux correspond si peu aux ténèbres de mes caves intérieures. Bleu discordant et faute de goût que ce beau temps d’été en plein hiver.

Ne pas y penser. N’y penser plus. C’en est fini. Être bien, très bien même. N’avoir pas pour l’espèce humaine un goût immodéré, contrairement à ce qui se dit. N’en attendre plus rien. Ne pas vouloir être dérangé. Vouloir même n’être pas dérangé du tout.

Nage souple, un friselis d’écume entre les 1014 dents de mes puissantes mâchoires.

Être calme. Ou engourdi. Des idées d’activités, une vague culpabilité, parfois un violent besoin de faire mal, remuent les ondes autour de mon aileron et le plus souvent se dissipent, par bonheur, ou s’enfouissent à nouveau pour attendre l’heure de leur émancipation.

Un long crawl. Une promenade de santé.

Enfin, totalement accablé par mon insignifiance, rentrer et regarder un documentaire sur Arte : La Boîte de sardines, son univers.

 

La Fiancée du navigateur solitaire

 

Je l’appelle Bip Bip et je suis son coyote. C’est dire si notre vie est drôle. Elle passe et je la regarde passer. Elle trouve toujours ailleurs mieux que moi. Ailleurs c’est parfois un homme, mais c’est surtout un paysage nouveau, c’est courir latitudes et longitudes, être étrangère en pays étrange. Ainsi s’assure-t-elle de son existence. Ainsi est-elle libre, me dit-elle. Libre de n’être pas avec moi.

Ne m’imaginez pas placer des pièges sous ses pas, des embuscades sous sa fuite éperdue, tendre mes filets dans la jungle de Bornéo, creuser des fossés dissimulés sous des branchages en Amazonie, défoncer le plancher de sa barque dans un atoll de Guyane. J’en serais bien incapable. Je suis paresseux, tant d’activité fiévreuse m’ennuierait, et le zèle serait peu rentable. Elle découperait mes filets, sauterait à pieds joints par-dessus mes fossés, filerait à la nage vers le large, toujours le large.

J’ai mieux. J’ai l’intelligence de la vie. Mon piège c’est moi. Se sentirait-elle libre sans moi ? Elle ne peut que me revenir pour mieux repartir. Je suis ta liberté, mon bel oiseau du désert, mon petit géocoucou.

 

Nos légendes

 

En ce temps-là, en ce temps de légende, en notre temps, pour notre plus grande émotion, le cou d’une girafe traversait par une lucarne le toit des nuages.

Ce cou était si long que je m’en attristais, car jamais je ne me hausserais assez pour l’embrasser sur la bouche jamais jamais.

J’ai grimpé aux arbres mais ma girafe broutait des feuilles toujours plus haut,

j’ai agi à mains nues le long de ce beau mât de cocagne, dressé des échelles toujours plus longues,

je me suis muni d’une bonne corde, du rup, du bong et d’un sachet de talc,

j’ai construit un téléphérique,

j’ai même acheté un hélicoptère.

Jamais je ne savais m’élever jusqu’à son grand visage.

Je ne croyais même pas que de si beaux yeux m’aient vu, les girafes sont si tête en l'air, elle se serait penchée vers moi.

 

 

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